J’étais là tranquillement à lire mon journal de gauche, assis profondément dans mon fauteuil le plus confortable, en fumant un cigare de la Havane, et en sirotant une cuvée 50 ans d’âge dans un petit verre ballon charmant, lorsque la porte de mon salon s’est ouverte à la volée.
Clarisse.
Je n’avais pas revu Clarisse depuis deux jours.
Depuis cette soirée musicale revisitée dont je gardais un souvenir ému autant qu’érotique. (Voir article précédent)
Bien !
J’avais laissé Clarisse, épuisée, dans son joli trois pièces des champs Élysées, à une heure indue dans une tenue tout aussi indue.
Et puis j’avais pensé à d’autres choses.
Et brusquement elle était là. En tenue très chic et plus du tout indue. Un tailleur qui devait être Chanel, une coiffure parfaite, assortis des chaussures Louboutin que je lui ai offert le mois dernier.
Bon d’accord elle récupérait vite et savait apprécier les cadeaux mais…
Dans mon salon.
Sans prévenir.
En pleine après-midi.
Très Clarissien comme concept.
Je n’aime pas du tout.
Je me dis que pour cette fois ça passerait, mais qu’il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. Mon salon n’est pas un moulin comme le tapis en véritable poil de Mohair des Andes suffirait à le démontrer et je n’ai pas que Clarisse dans ma vie par ailleurs bien remplie.
– Alexandre, encore !
Quoi ?
Je posais mon cigare avec la délicatesse requise.
– Que veux-tu dire mon poussin ?
Elle se mordit la lèvre. J’aime beaucoup quand Clarisse se mord la lèvre.
– La soirée musicale que tu m’as organisée était trop géniale, j’en veux une autre, tout de suite, demain au plus tard.
Ah quand même ! Ce n’est plus que Clarisse récupérait vite, c’était carrément étonnant. Je revis avec délice cette fin de soirée assez confuse avec tous ces hommes et surtout toutes ces femmes et Clarisse au centre totalement nue.
Et elle en voulait « encore ».
Si vite.
Bien, d’accord, pourquoi pas que je me dis.
Mais changeons. La musique je veux bien, ça adoucit les mœurs… enfin tout dépend du contexte, mais trop de musique tue le plaisir, cherchons un autre art plus silencieux.
Aussitôt j’eus une idée. Je suis comme ça, un homme à idées à condition que le sujet s’y prête.
Et Clarisse question de s’y prêter, elle s’y prête.
– Faisons une performance artistique. Je te propose Mondrian, c’est chouette Mondrian et puis ça a de la gueule.
Elle me regarda, interloquée.
– Je vais te peindre. Une œuvre de Mondrian nouvelle et vivante, une œuvre de Mondrian sur un corps féminin, une œuvre de Mondrian qu’on pourra regarder, toucher et même plus si affinités. Voilà une idée géniale. J’ai un copain galeriste à qui ça devrait plaire.
Clarisse sourit. Elle saisit vite et si c’est vicieux encore plus vite.
Quant à moi, je saisis mon téléphone.
Le copain était enthousiaste. Plusieurs photographes et journalistes à appeler, ses collectionneurs et collectionneuses à convoquer, ça allait être fantastique et ça pouvait se faire vite. Un carton médiatique pour lui et pour moi une soirée amusante qui me ferait mieux connaître. Nous convînmes du lendemain soir à partir de 19 heures.
Lorsque je reposais mon portable, Clarisse était déjà nue.
– Il faut que tu t’entraines si tu veux que ce soit parfait demain. Nous avons toute la nuit pour ça.
Je sortis mes pinceaux.

