Assis sur mon fauteuil de cuir blanc préféré, je soupèse les deux invitations que j’ai sélectionnées dans le tas épais étalé sur la table du salon.
Je me tourne vers Sophie qui relit distraitement « Guerre et Paix », allongée voluptueusement dans le canapé le plus profond.─
─ Alors, quelle soirée choisissons-nous ?
Elle pose le livre sur le guéridon d’ébène surmonté d’une lampe en pâte de verre que j’aime bien et me lance un regard intéressé.
─ Redis-moi les choix possibles…
─ Pour faire simple…
Soit une sauterie à l’ambassade de … . Tenue de soirée exigée, petits fours savoureux, repas et champagne millésimés, valses de Vienne, personnalités de très haut niveau et gratin du tout Paris.
Soit une invitation chez le Marquis avec pour thème évocateur : Maîtres et soubrettes. Tenue dix-neuvième de rigueur pour les hommes, tenue en rapport pour les femmes. Érotisme et délires garantis à tous les étages. Moins chic malgré tout, il faut bien le dire.
Qu’en penses-tu ?
Elle a mis un doigt sur la bouche, songeuse…
─ Pas facile, cela demande réflexion. Écoute, voilà ce que je te propose… On s’habille sans se consulter et soit on est d’accord et on y va, soit on n’est pas d’accord, et on va où moi j’ai décidé parce que honneur aux femmes et c’est marre. Tu te changes sans râler et voilà. OK ?
─ OK.
Nous disparaissons en riant dans nos salles de bain respectives.
Je mets à peine deux secondes et demie à décider. Je n’ai pas envie de devoir me changer tout à l’heure et je connais bien ma Sophie alors il n’y a qu’un choix envisageable. Puis je reviens me servir un premier whisky en attendant son retour.
Je commence à peine le troisième qu’elle sort déjà.
─ Tu es très beau en frac dix-neuvième siècle.
─ Et toi, superbement sexy en soubrette de charme.
─ Attention, je te rappelle que l’on ne pouvait pas demander totalement n’importe quoi au personnel à l’époque.
─ Ah ! Ce n’est pas ce que l’on m’en avait dit pourtant !
─ Oups ! Ai-je bien choisi alors ?
Je souris sans répondre. Ne jamais s’aventurer sur ces terrains mouvants avec une femme surtout quand elle vous regarde de avec ces yeux là.
Nous passons dans l’entrée. Je récupère mon chapeau haut de forme, l’aide à enfiler sa fourrure. Comme nous sortons elle a le mot de la fin.
─ De toute façon, les deux tiers des invités de la fête de l’ambassade se retrouveront chez le Marquis en seconde partie de soirée, nous ne louperons rien… Et les deux tiers les plus intéressants encore !
Ah !
Le mot « intéressant » semble avoir plusieurs sens il faut croire.
Très « intéressant » !

