Une certaine Marilyn

Il est 6 heures du matin et quelques poussières, le Milord, la boîte de nuit transformiste de Guéret, finit sa nuit.
Seulement deux clients attardés.
Eddy, le barman, pose sur l’étagère brillante le verre essuyé et lance pour la troisième fois sa phrase favorite : « On ferme ! ».
Jamais plus de trois fois, c’est son principe.
Juju, qui porte ce surnom du fait de sa « sacré descente », lève un doigt d’honneur aussi aristocratique que silencieux. Ce que dit Smart, qui a encore de beaux restes, est suffisamment passionnant pour ne pas l’interrompre.

‒ J’étais là, assis tranquillement sur mon banc, je l’ai vue arriver du bout de la ruelle. Elle était sublime.

Eddy, flegmatique, appuie sur le bouton adéquat puis attrape un nouveau verre humide.
Juju bave… un peu.

‒ Elle portait sa robe de 7 ans de réflexion ?

‒ Non, bien sûr. Juste une petite robe noire tout à fait classique mais incroyablement sexy sur elle. Elle est venue vers moi, m’a caressé les cheveux et m’a dit : « Tu sais que tu es mignon, toi ? » C’est comme ça que tout a commencé.

Juju se frotte les yeux, a une brusque illumination.

‒ Attends, tu avais quel âge ?

‒ Sept ans, mais j’étais déjà en avance pour mon âge.

‒ Et tu habitais où, à l’époque ?

‒ Limoges.

‒ Limoges ?

Juju en frémit.

‒ Et tu veux me faire croire que Marilyn, la Marilyn des films, est venue à « Limoges », et pour te rencontrer, toi ?

‒ Eh bien pourquoi pas ? Mais incognito bien entendu. Tu crois pas qu’elle allait crier ça sur les toits et se faire repérer par les journaux.

Juju bondit debout, la chaise s’effondre dans un vacarme de fin du monde, il tremble sur ses pattes grêles.
Indigné.

‒ Tu me prends pour… tu me prends pour… un je ne sais quoi !

‒ Mais non. D’ailleurs la voilà.

C’est vrai. Juju en a les yeux qui se décillent.
Marilyn Monroe, en robe de chambre à carreaux, pas encore démaquillée, vient d’entrer dans la salle par les coulisses. Elle les attrape par le col sans efforts apparents, les traîne à travers les tables vides, puis les balance dans la rue.
La porte se ferme dans un claquement définitif.
Baraquée Marilyn !
Juju, qui s’est ramassé sans se faire mal comme tout soûlaud qui se respecte, se tourne vers Smart aussi indemne que lui.

‒ Tu sais quoi ?

L’autre se masse le cuir chevelu. Une vague bosse à venir.

‒ Quoi ?

‒ A l’époque, tu devais être aussi poivrot qu’aujourd’hui !

Berry

– Dis maman, c’est où le Berry ?
– Euh… par là… (geste vague de la main)

Lascive

Lascive et pensive, la belle regardait par la fenêtre.
Une lumière dorée irisait l’ombre des cheveux, caressait le modelé d’une épaule, enveloppait l’arceau du bras pour finir sa course, perverse et douce, le long d’une hanche, d’une volute de tissu, d’une jambe à peine aperçue sous l’ombrage des plis de satin.
Le jour se levait sur Paris, le jour se levait sur elle assise sur son lit, sur elle qui regardait Paris.
Lui, envouté, notait deux trois choses qui feraient peut-être une histoire, qui, en tout cas, décrivaient déjà un instant hors du temps.
Il n’osait parler.
Il songeait.
Il rêvait.
Ni l’un ni l’autre ne bougeaient, lui admirant, elle le sachant.
Un instant immensément long, plusieurs secondes d’éternité peut-être, dévida l’écheveau d’une heure arrêtée, le fil d’une passion sauvage et sensuelle. Le grincement léger du crayon sur le papier gravait  l’espace, pareil au bruissement d’aile d’un oiseau mouche.
Il écrivait sans s’en rendre compte des choses tendres et voluptueuses.
Elle frissonna soudain, étira les bras, le dos, puis se retourna d’un froissement d’étoffe.
Un sourire aux yeux.

‒ Et si on allait se promener ?

Il sourit à son tour.

‒ Oui, allons nous promener, mais tu sais ce que j’aimerais.

Malicieux.
Alors, pour lui faire plaisir, elle ne mis que la robe légère flottant  sur ses jambes nues prolongées de  la longueur de deux talons immenses, affutés comme des rasoirs.
Ils allèrent se promener.

Demain

Ton avenir est devant toi mais, chaque fois que tu te retourneras, tu l’auras dans le dos.

Un nouvel album des Splogofpfts

Pub !
Mon nouvel album de bonhommes à gros nez est paru.
Personne n’y comprend rien, même pas moi.
Mais si vous avez envie de sourire bêtement, vous pouvez l’acheter.
15 € plus 5 € de frais d’envoi. (Je sais, c’est une escroquerie de vendre un machin pareil à ce prix là mais bon il y a des idiots partout)
Pour vous le procurer, c’est simple, dites le moi ici et je vous l’enverrai.
Même pas emballé dans un ruban rose.
Et pis c’est tout !
Et si vous le voulez dédicacé, dites-le moi deux fois et on discute des modalités.
Non mais !

Pavillon-Party.

Une chaleur de début d’été, légère encore.
Ludovic allonge ses jambes sous la table de jardin en teck huilé, envisage son environnement d’un regard panoramique. La pelouse verte, lustrée, ne comporte aucun brin dépenaillé. Il vient de lui refaire une coupe au rasoir. L’arbre, nécessaire mais unique, allonge ses branches organisées. C’est un pommier. Il se remémore dans un sourire la difficile conversation. Sylvie voulait un cerisier. Joli mais trop d’entretien, les femmes n’ont pas cette faculté masculine des choses matérielles. Les cerises qui tombent, qui tachent, qu’il faut cueillir dans l’urgence. Ce fut un pommier, mais un pommier du japon, ultime désir féminin qu’il sut approuver.
La haie de thuyas est au cordeau, le portail blanc éclatant, la descente du garage lisse. Il finit son tour d’horizon par le meilleur, le pavillon.
Un plein pied, pour les vieux jours où les escaliers deviennent difficiles, une petite brisure de façade pour l’esthétique, de grandes baies vitrées ouvrant sur la petite zone pavillonnaire. Pas pour eux les grands ensembles anonymes. Juste une vingtaine de maisons, conviviales comme un village. Ils possèdent l’habitation supérieure, celle qui domine toutes les autres. Ludovic a des relations. Il n’en est pas fier, c’est juste un fait… pratique.
Il a dû se battre pour ce crépi mordoré, discuter des heures pour le carrelage en mosaïque de verre de la salle de bain, menacer de poursuites pour obtenir, sans supplément, les deux colonnes de la porte d’entrée. Ne jamais se laisser faire, une règle qu’il sait tenir quand il faut. Faire construire, c’est l’œuvre d’une vie, il ne s’agit pas de baisser la garde.
Ainsi, ils ont passé des heures à travailler les plans. Les constructeurs vous proposent des projets qui sont simplement absurdes. Il a fallu, là encore, négocier la large pièce à vivre, la cuisine à l’américaine avec le long plateau gris anthracite,le coin bureau encastré, les chambres des enfants avec salle d’eau commune, le dressing,les volets roulants automatiques, la douche à l’italienne.
Le long canapé fait encore un peu isolé. Il faudra y ajouter une table de salon structurée, une plante verte, une horloge de gare. Il y en a de merveilleuses chez IKEA, mais un peu chères. Par contre, il ne regrette pas la télé numérique qui occupe tout un mur. Un match en cinémascope, ça a quand même une autre allure.
Douchka, la Labrador sable qu’ils viennent d’acheter, vient, nonchalante, s’allonger sous ses pieds. Il la caresse négligemment. Une chienne, c’est plus doux, mais il faudra la faire opérer. Encore des frais !
─ Tu veux un café ?
Sylvie lui pose une main sur l’épaule. Oui, Ludovic veut bien un café, un expresso long, façon capuccino, avec une pointe de caramel. Il entend la machine qui chuinte imperceptiblement. Elle propose un choix important de thés, cafés, chocolats, aromatisés d’une multitude de goûts variés. Une merveille !
Sylvie revient, s’assied, pose un long verre aux strates colorées près de la petite tasse de porcelaine.
─ Je t’accompagne.
─ Qu’est-ce que c‘est ?
─ Une expérience. J’ai vu ça dans la notice, ça m’a fait envie.
Ils restent tous deux côte à côte un long moment, tranquilles, sans rien dire. Les ombres glissent lentement sur la terrasse aux carreaux parfaits. Parfois, la jeune chienne se tourne dans un soupir alangui.
Sylvie se lève, récupère les deux récipients vides, s’en retourne vers d’autres tâches ménagères.
Ludovic se carre plus profondément dans le fauteuil de jardin qu’il a voulu chocolat pour l’assortir à l’ensemble. La lumière est maintenant sur sa joue.
Il observe une nouvelle fois son pavillon qu’il a agencé avec tant de soin, qui lui coûte si cher.
Pourtant, avec une surprise indicible, il découvre…
Qu’il s’emmerde quand même.