Paisiblement, elle regardait par la fenêtre, brume et lune, un paysage qui émergeait de la nuit.
Agréablement, il la regardait, assise sur le lit, brune et nue, une femme qui émergeait du sommeil.
Le paysage ne savait pas qu’elle le regardait.
Elle savait très bien qu’il la regardait.
Elle souriait.
Lui aussi.
Docteur !
– Vous êtes Généraliste ? dit-elle
-Non. Oh là non, surtout pas !
– Ouf, j’ai eu peur, j’ai cru que vous étiez médecin.
Et elle s’allongea.
– Bandez-vous les yeux. dit-il
– Vous êtes ophtalmologue ? dit-elle
– Non, non, vraiment pas.
– Tant mieux, j’ai une très bonne vue et je refuse de changer.
– Vous avez bien raison. Pourquoi changer quand tout va bien.
Et elle se banda les yeux.
– Relevez cette robe. dit-il.
– J’espère que vous n’êtes pas Angiologue ? dit-elle
– Je ne sais même pas ce que ce mot veut dire.
– Tant mieux.
Et elle releva sa robe.
Il lui caressa les jambes, s’attarda sur la rondeur de la cuisse, monta plus haut.
Elle frémit.
– Oh non, pas Gynécologue, j’espère ?
– Jamais. Que voudriez-vous que nous fassions d’un gynécologue ?
– C’est vrai. Trop tôt ou trop tard.
Elle sourit.
Il retira doucement la petite pièce de dentelles noires.
– Mais en fait, qui êtes-vous ?
– Eh bien ce sera comme il vous plaira, le mari, l’amant, une passade d’un instant, un amour de jeunesse retrouvé ou, pourquoi pas, un passant croisé par hasard au coin de la rue.
Elle posa un index sur ses lèvres d’une façon ma foi charmante et esthétique.
– Je sais. Et si nous jouions au docteur ?
– Je vous rappelle que je ne suis ni Généraliste, ni Ophtalmologue, ni Angiologue, ni gynécologue.
– Heureusement ! Pour jouer au docteur, il faut surtout n’être rien de tout ça. Juste pervers. Etes-vous pervers ?
– Parfois. Tout dépend du contexte.
– Et le contexte vous semble-t-il favorable ?
– Très.
– Voilà, vous voyez que comme tout est simple. Que voulez-vous de moi docteur ?
– Déshabillez-vous ?
– Bien docteur.
– Mais pas trop vite, pas tout de suite… sachons vous convoiter.
– Et vous, docteur, déshabillez-vous.
Journal Splogofpft mensuel de février 2024
Pas mieux !
Dessin 445
Amour téléphonique
Elle m’a envoyé un SMS.
Je vous aime.
Je lui ai renvoyé un SMS.
Moi de même.
Elle m’a envoyé sa photo, elle était jolie.
Je lui ai envoyé la mienne, plus jeune, elle m’a trouvé beau.
Nous avons pris rendez-vous.
Nous nous sommes rencontrés.
Elle était aussi jolie que sur sa photo.
Elle m’a trouvé plus beau que sur la mienne.
Un air sérieux qui m’allait bien.
En réalité, un air plus vieux, mais je ne lui ai pas dit.
Nous avons fait comme font tous les amoureux, nous avons couru tout nus à travers la campagne, les bois, les prés, les chemins creux, les potagers.
Puis nous nous sommes baignés.
L’eau était glacée.
Il pleuvait.
Nous sommes revenus enrhumés.
Elle avait un gros nez rouge, des yeux qui pleuraient.
Je toussais, elle aussi.
Je l’ai trouvée moins jolie.
Elle m’a trouvé plus vieux.
Nous nous sommes quittés fâchés.
Elle m’a envoyé un SMS.
Je ne t’aime plus.
Je lui ai renvoyé un SMS.
Moi non plus.
Dessin 444
Presque un mois…
Dessin 443
Tigresse
Il est dix heures trente. Comme chaque matin dès l’aube, assis dans ma luxueuse véranda dominant la Creuse, j’avale une gorgée de mon café, entame le premier de mes huit croissants et envisage de me beurrer une tartine.
Je suis en pleine forme, une étincelle de plaisir dans la prunelle, une myriade d’idées dans la tête.
Ça ne va pas durer.
Croyez-en mon expérience, c’est aussi précis que la course des étoiles dans le ciel, aussi définitif que les horaires des marées à Perros-Guirec, quand tout va vraiment bien ça ne dure jamais plus qu’un pet de moineau.
J’avise Annabelle nonchalamment allongée dans un sofa vêtue, ou plutôt dévêtue, d’une tenue mi-déshabillé transparent à faire tomber tous les mâles dans un rayon de huit cents mètres, mi-ensemble lingerie à froufrous à faire hurler tous les loups des bois avoisinants. Comme mon déjeuner est loin d’être terminé, je ne suis encore ni mâle, ni loup, mais je frémis quand même… je connais cet air-là !
─ Quoi ?
─ Tu as vu dehors ?
J’observe la rivière qui couloit, le moulin qui tournoit, le pont qui enjamboit, le clocher qui pointoit, le ciel qui nuageoit. Rien de remarquable !
─ Il pleut ?
─ Oui, il pleut et tu sais comme je déteste la pluie… à la campagne.
Je sais que ça ne sert à rien de discuter, je sais que j’aurai tort de toute façon, mais je discute pourtant, c’est dans ma nature.
─ La campagne, comme tu y vas. Argenton est une bourgade de plus de 6000 habitants, on ne peut plus parler de « campagne ».
─ Tu sais ce que j’aimerais ?
Bien ! J’ai compris. Quand Annabelle me fait ses yeux de biche, je ne peux l’éviter, je craque. Quant à la raison, je la connais. Dès que s’annonce la fin de l’automne, les prémices d’une froidure hivernale, elle a besoin d’un appartement chaud à grandes baies vitrées, agrémenté de quelques centaines de citadins empilés dans divers containers de diverses formes.
─ Ecoute. Pour le moment, mon héros se balade à Ciron, mais dès samedi prochain je l’emporte dans une grande ville. Que dirais-tu de Châtellerault ?
Yeux de chatte.
─ Orléans ?
Yeux de tigresse.
─ D’accord, d’accord, nous irons à Paris et n’en parlons plus.
Et c’est ainsi qu’une histoire qui devait passer par Châtellerault se déroulera finalement dans la capitale pour cause de brune superbe à yeux de tigresse.
Ah, les femmes !







