Balade à la campagne

Edwige entra dans le bureau en coup de vent comme seule elle savait le faire. Charles releva le nez de son journal, poussa un soupir léger.
Qu’est-ce qu’elle avait encore inventé cette fois ?
Elle commençait à lui prendre la tête cette tornade permanente. Il revit Francine, la précédente, posée, tranquille. Jamais de siroco avec Francine !
Oui mais elle l’ennuyait tellement, Francine, avec ses larmes, ses lunettes, ses frisettes.
Tellement.

‒ J’ai eu une idée. Si on allait faire une balade à la campagne, ce serait chou !

Il faillit en avaler son cigare.

‒ A la quoi ?

‒ Tu vois, tu ne sais même plus ce que c’est. Ce doit être super en cette saison la campagne… les papillons, les libellules, les arbres, les fleurs… Oh oui, allons à la campagne !

‒ Mais, Edwige, c’est sale la campagne, c’est bourré d’insectes divers plus ou moins volants, plus ou moins piquants, ça sent mauvais la campagne, ça sent la bouse, la fiente, le crottin, le purin, le fumier, et j’en passe.

‒ Je le savais, tu es déjà enthousiaste. D’ailleurs regarde, j’ai mis une petite robe pimpante, printanière, verte comme les prés, transparente comme l’eau claire.

De fait.
Il se sentit craquer.

‒ Tu sais, dit-il pour dire quelque chose, ce n’est pas du tout une tenue campagnarde !

Elle sourit, jouant la surprise.

‒ Ah ? Tu crois ? Tant pis, ce sera ma tenue. Bon, alors on y va ?

Elle se dirigeait vers la porte, il frémit.
Trouver une excuse.

‒ Mais, Edwige, tu as vu, on voit la marque de tes dessous sous la robe, tu ne peux pas sortir ainsi.

Elle s’arrêta devant le grand miroir en pied de l’entrée, se tourna.
Se retourna.
Le regarda de ce petit minois pervers qui lui faisait des frissons dans le dos.
Il sentit des frissons dans son dos.

‒ Tiens ? Oui ?

Elle se passa un doigt sur les lèvres, se donna la mine d’une qui réfléchit.
Le frisson dans le dos devint sueur.
Soudain, elle leva l’index en l’air, triomphante. Elle avait trouvé.
Aïe !

‒ Je sais, je vais m’en passer de cette culotte, comme ça, on ne la verra plus et je ne choquerai personne.

Il vit voler un papillon blanc, se poser sur le bureau une libellule de soie immaculée.
Tant pis !

‒ Tu viens mon chou ? Je te laisse même choisir la voiture, Jaguar ou Porsche. Tu ne pourras pas dire que je ne suis pas conciliante.

Elle ouvrit la porte.

‒ Et si le soutien-gorge te gène, dis-le moi, j’arrangerai ça aussi.

Elle sortit.
Il posa son cigare, se leva en soupirant, suivit les rondeurs roses sous la dentelle verte.
Depuis ses seize ans, il n’avait jamais pu résister à une paire de fesses.
Surtout dans l’herbe.

 

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